En cabinet j’entends souvent les gens me livrer leur sentiment d’échec. Ils s’étaient mariés pour la vie. Divorcer signifie ne pas avoir tenu l’engagement fait à l’autre, devant notre famille, devant le maire, devant Dieu.
Je m’interroge : comment faire une promesse qui peut nous engager sur les 50 ou 60 prochaines années ? Comment prendre un tel engagement, sur tant d’années, sans connaître qui nous serons dans dix, vingt ou trente ans et sans connaître ce que notre conjoint(e) qu’on aime tant aujourd’hui sera devenu(e) ?
Est-il possible de promettre de n’aimer personne d’autre pour tout le reste de la vie ?
Si nous sommes très sincères, nous pouvons dire que nous l’espérons ! Mais qui peut honnêtement affirmer et préjuger l’avenir ?
Nous sommes des êtres de relation et il est impossible d’empêcher une rencontre qui va transformer vos certitudes, qui va venir déstabiliser votre vie familiale très installée. L’amour pour un compagnon/ une compagne ne se commande pas, il se ressent, il se nourrit… mais il peut s’éteindre et il peut se transformer.
Par ailleurs, au-delà de la question du physique, il y a également et surtout ce que nous deviendrons intérieurement. Serons-nous encore sur le même chemin après les différents aléas de la vie ?
Pendant de longues années, il m’a semblé qu’une telle promesse était un mensonge aussi gros que celui du père-noël pour les enfants. Pour autant j’aime ces mensonges car ils sont livrés et entretenus avec un tel amour sincère que je n’arrive pas à y renoncer.
Un jour, un échange avec une bonne connaissance, m’a réglé une bonne fois pour toute cette ambiguïté intérieure :
Alors que je pleurais sur mon mariage « raté » et que j’étais en boucle sur ce sentiment d’échec, elle m’a suggéré une réflexion sur le concept de « se marier pour la vie » et m’a proposé de chercher des synonymes de vie.
J’avoue : l’exercice m’agaçait un peu…. J’avais envie de rester sur le fait que c’était un échec et qu’il n’y avait pas besoin d’aller chercher plus loin : « Madame « la psy », je suis complètement nulle, j’ai tout fait foirer…. alors arrêtez d’essayer de me démontrer le contraire ! ».
Mais bon… ok je me prête à l’exercice :
Honnêtement j’ai peiné à trouver : hormis « existence » ou « de la naissance à la mort », je ne voyais pas grand-chose…
« Vie » cela veut tout dire et rien dire.
Elle m’a finalement suggéré plusieurs synonymes, dont certains m’ont étonné.
A l’occasion n’hésitez pas à aller chercher sur internet ces synonymes, ils sont intéressants à visualiser pour porter un regard plus ouvert sur la notion de mariage « pour la vie ».
Le synonyme que je retiens est « quotidien ». Quand je me suis mariée, je me suis mariée pour la vie, c’est-à-dire pour partager un « quotidien ». Si nous nous engagions véritablement pour toute notre existence jusqu’à 95 ans, nous écririons le mot «vie » avec un V majuscule.
Or le fait d’écrire spontanément « se marier pour la vie » avec un « v » minuscule nous ramène à une promesse bien plus tenable qui, dès lors, n’est plus un mensonge !
Avec cette nuance, nous nous marions pour partager avec amour, dans la joie et dans l’adversité, ce quotidien de la vie.
La nuance est subtile mais elle a du sens car elle nous permet de nous éloigner de la notion d’échec.
Je peux quitter mon mariage ou mon/ma conjoint(e) peut également me quitter car mon engagement n’était pas pour aller jusqu’à 95 ans mais pour partager un présent tant qu’il est possible et que je suis en paix avec celui-ci. Je n’ai donc pas loupé mon mariage. Au contraire, je reste dans la même sincérité que le jour où nous nous sommes dit oui à la mairie !
En imaginant, par erreur de langage ou par pression sociale, nous marier pour la Vie (l’existence), nous avons visé un but erroné. En effet, il suffisait de se marier pour la vie (le quotidien) pour se concentrer sur le chemin et sa qualité.
Il ne s’agit pas de durer pour atteindre un jour l’eldorado évoqué précédemment, il s’agit de cheminer au présent pour gagner en qualité de vie.
Contrairement à ce que nous pensions, la finalité du « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » avait moins de sens que l’histoire elle-même dans son présent.