Au quotidien en cabinet, nous rencontrons souvent des femmes qui, au bout d’un ou deux rendez-vous, finissent par nous dire, un peu penaudes : “Vous savez Maître, je refusais de faire l’amour depuis un moment…”. Ces femmes nous font ces “aveux” avec une vraie culpabilité… comme s’il s’agissait d’une information grave et honteuse.
Et inversement, parfois, quelques hommes nous disent avec une certaine véhémence : “Faut en plus dire qu’elle ne remplissait plus son devoir conjugal !”
Alors aujourd’hui, on met les deux pieds dans le plat et on aborde cette question taboue de manière frontale : est-ce que la sexualité au sein d’un couple marié est un “devoir conjugal” ?
La question est épineuse et la réponse l’est tout autant, car elle est piégée entre un droit qui semble encore un peu archaïque et le principe fondamental de la liberté individuelle protégée par notre Constitution et par la Convention Européenne des Droits de l’homme.
La réponse juridique est d’autant plus subtile qu’il n’existe aucun texte juridique qui affirme que deux époux doivent avoir une sexualité !
En revanche, l’article 215 du code civil dispose d’une obligation juridique de “communauté de vie” dans le mariage. Et c’est donc sur ce fondement juridique que la jurisprudence (ensemble de décisions de justices dont la portée complète et interprète les lois) a pu tirer un” devoir conjugal”… ou en tout cas la possibilité de divorcer pour faute en l’absence de sexualité “injustifée”…
Nous vous rassurons tout de suite…. En près de 20 ans d’exercice professionnel, les membres de notre cabinet n’ont JAMAIS vu de divorce pour faute admis en raison de l’absence de sexualité. Toutefois, il semble, à la lumière de la jurisprudence, que cela arrive…
Dans notre cabinet, nous sommes des ferventes adeptes de la liberté individuelle… et se limiter à dire que “oui vous devez avoir une sexualité parce que vous êtes mariés” est contraire à nos valeurs…
Du coup, nous venons, par cet article, mettre en lumière une limite forte et essentielle à ce pseudo “devoir conjugal” : le consentement !
L’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme protège la liberté individuelle en l’érigeant comme principe fondamental.
Ainsi cette liberté individuelle passe par le fait qu’individuellement, que vous soyez mariés ou non, vous êtes libres de consentir ou non à une sexualité. Personne ne devrait se forcer à faire l’amour par peur d’être quitté(e) ou par “obligation juridique”. Car dans une telle hypothèse, le consentement réel peut être interrogé…
D’ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que le viol entre époux existe dès lors qu’une sexualité est imposée sans le consentement de l’autre…
Donc s’il n’existe pas de sexualité au sein de votre couple, ce n’est pas sur le terrain de l’obligation ou non qu’il faut vous positionner mais plutôt sur la compréhension de cet état de fait.
Pour faire avancer un peu nos vieilles croyances, nous vous livrons deux constats :
- l’absence de sexualité est rarement la cause de la séparation mais plutôt l’illustration d’une relation de couple plus ou moins dégradée.
(petite nuance d’ailleurs : il est ici uniquement question des couples qui se séparent. En effet, certains couples vivent très bien sans sexualité.) - l’absence de sexualité dans un couple ne peut pas peser que sur les épaules d’un seul. Si un blocage s’initie chez l’un des conjoints, c’est la faculté de l’autre conjoint à communiquer et à accompagner qui permet de dépasser l’obstacle. Donc, à contrario, si la situation perdure, la responsabilité est commune aux deux conjoints.
Ainsi, pour résumer : si certes la sexualité au sein d’un couple marié pourrait s’analyser comme une obligation… l’envisager uniquement comme tel vient nuire à la liberté individuelle de chacun des conjoints et vicier le consentement !
Alors mettons de côté cette histoire de devoir conjugal, et concentrons-nous plutôt sur la qualité de vos relations de couple !