10 ans… 10 ans aujourd’hui que j’ai prêté serment.
10 ans que je suis plus souvent appelée Maître LELIEVRE que Madame LELIEVRE
Cet anniversaire m’émeut.
Il y a 10 ans, le bilan était très gratifiant. Il y a 10 ans, je m’associais directement à ma sortie d’école en créant une superbe société d’avocats… après sept années d’une triple vie (professionnelle, scolaire et parentale) qui avaient révélé ma force de travail, mon audace et mon abnégation.
Je souris avec tendresse en repensant à la fierté de cette jeune femme qui revêtait pour la 1ère fois sa « petite robe noire » à elle… Je me rappelle m’étourdir de cette phrase, comme pour m’en convaincre : « ca y’est tu es Maître LELIEVRE »…
Pendant sept ans, chaque soir, j’avais fait raisonner dans ma tête ma future réussite, mon mantra : « un jour tu seras avocate ». L’affirmation d’une certitude “incertaine” pour éloigner le mauvais oeil d’un possible échec…
Le rêve était réalisé, la vie allait donc pouvoir commencer…
Pourtant, alors que ce métier était une vocation, le rêve d’une vie, il y a deux ans j’ai failli quitter la profession.
J’ai failli quitter la profession car je pensais qu’il n’y avait qu’une manière d’exercer la profession d’avocat et que cela me détruisait.
Pour le comprendre, il y faut revenir à cette jeune Maître LELIEVRE d’il y a 10 ans. A l’époque, j’avais recommencé ce que ma vie m’avait appris : travailler.
Par contre, cette fois, contrairement à mes études, je n’ai plus travaillé pour moi.
J’ai travaillé pour gagner la confiance de mes clients. J’ai travaillé pour gagner ma crédibilité professionnelle. J’ai travaillé pour obtenir le respect de mes pairs. J’ai travaillé pour révolutionner le divorce. J’ai travaillé pour payer les charges d’un cabinet. J’ai travaillé pour payer des salaires. J’ai travaillé pour être à la hauteur des associées et en être aimée. J’ai travaillé pour payer des impôts et des cotisations. J’ai travaillé pour payer de la communication sur les réseaux sociaux. J’ai travaillé pour réussir à être élue par le magasine LE POINT. J’ai travaillé pour payer la nounou qui gardait mes enfants. J’ai travaillé pour payer des restaurants et des courses en drive. J’ai travaillé pour offrir des cadeaux à ceux que je ne voyais plus. J’ai travaillé… parce que je ne savais plus vivre.
Il y a deux ans, j’ai eu la chance d’avoir un pépin neurologique qui m’a arrêté, qui a arrêté cette fuite en avant liée au travail, à l’argent et l’égo.
A mon retour à la vie active, après 7 jours d’hospitalisation en neurologie et plusieurs mois d’arrêt de travail, je n’étais plus sûre d’être capable d’embrasser de nouveau ce métier. La confiance à 0 et le sentiment de culpabilité avaient balayé des années de vocation.
A deux jours prêts, j’abandonnais ce métier… j’avais accepté que je m’étais trompé. Ce métier n’était finalement pas pour moi.
Je ne pouvais plus être Maître LELIEVRE car cela m’avait coûté beaucoup, dont la santé.
Je ne pouvais plus être Maître LELIEVRE car, quand je suis revenue dans mon cabinet, mon associée avait perdu confiance en moi.
Je ne pouvais plus être Maître LELIEVRE car je ne voulais plus travailler comme avant le passage en meurologie.
Et par chance, j’ai croisé une consoeur qui, elle, m’a raconté sa confiance en moi… et puis je me suis dit qu’il fallait bien que je travaille pour faire manger mes enfants…
Et c’est dans ce très simple état esprit que je me suis armée de courage et que j’ai bricolé un nouveau cabinet. Petit. Simple. et j’ai remis ma “petite robe noire”, tremblante, fragile mais courageuse.
Ma prétention : aller au travail en vélo et prendre seulement les dossiers qui me feront manger.
Punaise… et aujourd’hui qu’est ce qu’il est beau mon métier !!!!!
Bon le vélo c’est plutôt l’été…et j’avoue, je ne prends plus seulement les dossiers qui me font manger…
Je prends aussi et surtout ceux qui me font vibrer ! Je refuse toutes les semaines des dossiers. J’ai arrêté les partenariats passés. Je n’ai plus peur, plus peur d’un agenda vide, plus peur d’un « mauvais » mois de facturation, plus peur de ne pas être à la hauteur… car j’ai enfin le temps. Car j’ai enfin le choix.
Je ne cours plus qu’après une histoire à plaider ou à défendre pour laquelle mon intervention présente une vraie plus-value. D’ailleurs finalement, en vrai, j’ai arrêté de courir… j’ai appris à marcher !
« Maître LELIEVRE » a déjà dix ans… mais finalement, elle ne fait que commencer !