Un jour une cliente est venue solliciter mon intervention la veille de son audience de divorce. Voici le contexte : Six mois auparavant, elle avait quitté le domicile conjugal pour un petit meublé  situé géorgraphiquement assez loin de son lieu de vie familial initial.  Depuis deux mois elle naviguait entre les deux foyers… assurant la gestion de deux domiciles, venant garder les enfants à 5h du matin pour que Monsieur puisse aller travailler, ne prenant jamais les enfants dans son nouveau logement pour ne pas les perturber… Elle essayait d’être une mère exemplaire, une ex-conjointe souple… elle ne voulait « déranger personne par son choix de séparation. »

 

Son mari avait lancé la procédure pour la confronter à son choix. Il souhaitait qu’elle revienne et avait donc tenté cette méthode pour la « réveiller ».

 

Elle me demande donc d’intervenir en me disant qu’ils sont d’accord sur tout et qu’il n’y aura même pas de « défense » à préparer. Dans ces conditions, elle ne m’apporte donc aucun document ; rien qui pourrait me permettre d’assurer une défense effective pour une audience qui a lieu le lendemain… Je sens qu’il y a un truc qui cloche mais elle m’affirme le contraire… ils s’entendent bien, ils s’arrangent… donc « surtout Maître, ne faites pas le cirque à me poser trop de questions ».

 

Madame est effectivement arrivée avec Monsieur en voiture. J’ai pu observer encore une grande intimité entre eux… Monsieur espérait certainement qu’elle n’entre pas dans la salle d’audience… qu’elle renonce à cette séparation.

 

Par contre, à l’instant où nous franchissons la porte de la salle d’audience, nous vivons l’enfer. Monsieur sort sa colère et son avocate développe les carences maternelles et le déménagement lointain, etc….

 

Ce jour là, nous perdons la garde des enfants.

 

 

Aujourd’hui un an et demi après cette terrible audience … ca y’est elle va voir un psychologue et commence à s’ouvrir et me permet de commencer à comprendre où elle en est :  la rencontre d’un amoureux qu’elle n’assume pas, les chantages au suicide de Monsieur, ses allers-retours entre ces deux hommes, la souffrance des enfants qui se sentent abandonnés par leur mère, leurs difficultés face à la haine et l’alcoolisation récente de papa….

 

Nous avons perdu un an et demi… et le divorce est loin d’être prononcé.

 

Pourquoi ?

 

Tout simplement parce que SA CULPABILITE LUI A FAIT FAIRE LES MAUVAIS CHOIX. Sa culpabilité l’a même empêchée d’agir… elle lui a fait perdre la préparation de l’audience. Elle lui a fait perdre la garde de ses enfants.

 

Pourtant, elle n’avait même pas saisi que cette culpabilité existait. Elle était donc à des années lumières d’imaginer qu’elle fichait en l’air sa séparation et l’équilibre familial.

 

Heureusement, rien n’est jamais définitif… nous venons de récupérer une garde alternée et la vie va, sans doute, se reconstruire malgré cette terrible période de turbulences. Mais les cicatrices sont bien là pour l’ensemble des membres de la famille !

 

Des histoires comme celle-ci je pourrais en raconter des dizaines… Elles sont heureusement moins marquantes que celle-ci puisque cette mère aimante a été jusqu’à perdre, pendant un temps, la garde de ses enfants. Mais elles restent tout de même EXTREMEMENT nombreuses.

 

 

Pour éviter cette difficulté il convient de revenir sur une erreur de jugement, un lieu commun que je tente de combattre en cabinet : celui qui s’en va n’est pas responsable de la séparation ! Il n’a pas de « responsabilité  supérieure »  dans cette séparation.

 

La responsabilité d’une séparation repose sur le couple lui-même. Vous étiez deux matelots du même bateau ; le bateau prenait l’eau et il y en a un des deux qui (par courage ou par peur de mourir noyé, à chacun de l’apprécier)  à sauter à l’eau avant ! Peu importe l’état moral de celui qui reste dans le navire, il était également responsable de la navigation et de l’amarrage.

 

Pour autant, dans les faits, malheureusement, celui qui décide de quitter le navire est souvent perçu (et peut se percevoir) comme « le responsable ».

 

Vous l’aurez compris à travers l’exemple donné, la culpabilité m’apparait comme un vrai sujet dans le cadre des accompagnements de séparation. Dans mon constat de patricienne en droit de la famille, ce sentiment a des conséquences assez lourdes sur le plan juridique et factuel.

Je vois quotidiennement des gens renoncer à des droits ou ne pas oser demander par culpabilité. Et finalement quelques années plus tard, ces personnes regrettent.

La séparation est une période au cours de laquelle de nombreux choix doivent être fait. Il est alors nécessaire de faire le meilleur choix pour soi. Si ce choix est guidé par la culpabilité, il ne sera JAMAIS le bon choix.

CETTE CULPABILITE EST UN POISON QUI S’INFILTRE PARTOUT !

Celui qui a quitté va se sentir responsable de tout à cause de cette culpabilité. Aussi étonnant que cela paraisse, finalement, plus cette culpabilité est active, plus elle est destructrice pour tout le monde. L’exemple cité précédemment en est un parfait exemple.